10 years of CRC _ Cugy, 21th September 2007Photos | Presentations
résumé par Julien Pellaux _ only french version


C’est une conférence pleine de contrastes à laquelle une cinquantaine de personnes ont assisté le 21 septembre dernier à la Maison Villageoise de Cugy, Vaud, en l’honneur des dix ans d’existence de Crole-Rees Consultants. Plusieurs intervenants de qualité se sont succédé lors de la présentation de l'après-midi sur les thèmes:

  • Bienvenue par Prof. Claude Auroi, IUED
  • Anna Crole-Rees, «Anna Crole-Rees Consultant»
  • Pascal Liu, FAO, «Trends in food markets: what role for the small-scale agriculture?»
  • Olivier Combe, CNUCED, «Biofuels : what is it, for whom, why and what problems»
  • Oumar Niangado, FSAD, «Biotechnology and agricultural production: what perspectives for Western and Central Africa ?»

Contraste du lieu d’abord : les boubous africains, les tapis tadjikes et les mangues séchées détonnaient de l’ambiance tranquille du petit village de Cugy, sur les hauteurs lausannoises. Contraste du public et des intervenants, ensuite, rapprochant agronomes et agriculteurs suisses, experts d’organisations internationales, un expert venu d’Afrique de l’Ouest, chercheurs et professeurs universitaires, producteurs agricoles et simples quidam. Mais le plus grand contraste aura été celui de la thématique. En essayant de tracer les perspectives pour les petits producteurs dans le nouvel ordre agricole mondial, la conférence aura mis en avant toute la déconnexion et la différence de perception entre producteurs et consommateurs, mais aussi entre pays développés et ceux en développement, aux priorités bien différentes.

En effet, alors que le profil démographique et les habitudes des consommateurs changent à l’échelle planétaire, les petits producteurs doivent faire preuve davantage d’imagination et de flexibilité pour pouvoir s’adapter. Or, la fragmentation de la production et de la distribution éloigne toujours plus les consommateurs des producteurs. Il en résulte une complète dépersonnalisation de la production agricole, non adaptée à la réalité des petits exploitants.

A cette problématique s’ajoute la déconnexion entre pays riches et pays pauvres. Au Sud, l’agriculture est le moteur du développement, contenant le potentiel de favoriser la croissance économique et de réduire la pauvreté. Dans cette logique, il faut donc favoriser la production et la rentabilité. Au Nord, c’est avant tout la qualité qui est recherchée, définie à coups de normes et de concepts éthiques qui dépassent souvent les capacités des petits producteurs méridionaux. Comment répondre alors à ces contrastes et définir des perspectives futures pour les petits producteurs, dans les pays développés comme dans ceux en développement ?

Comprendre les tendances agricoles pour mieux en tirer parti

Il s’agit tout d’abord de comprendre les tendances des marchés alimentaires. Dans sa présentation, Pascal Liu aura donné un panorama des facteurs influençant l’agriculture d’aujourd’hui et son marché. Allant des changements climatiques à la croissance économique mondiale, en passant par les progrès technologiques ou l’évolution de la demande en énergie, cet expert de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) aura cité bon nombre de facteurs conjoncturels et structurels qui impactent sur l’agriculture d’aujourd’hui et sa rentabilité. Son exposé aura mis en valeur les grands changements qui se sont produits ces dix dernières années dans le monde agricole, et l’adaptabilité nécessaire du coté des producteurs.

Comme le dit Liu, « il faut tirer parti des tendances des marchés! ». Ainsi, plus que de nouvelles contraintes, ces tendances offrent des opportunités qu’il s’agit de reconnaître et de saisir. Le changement des habitudes de consommation et l’évolution de la demande, par exemple, ont favorisé le développement de l’agriculture biologique. Répondant essentiellement à l’envie de « manger plus sain » des consommateurs des pays développés, les ventes de produits biologiques ont triplé en sept ans. Elles profitent souvent directement au producteur, d’autant plus qu’agriculture biologique fait souvent bon ménage avec commerce équitable. Ainsi, ce succès a des retombées macroéconomiques considérables, devenant par exemple un important pourvoyeur de devises pour certains pays en voie de développement, comme le Pérou.

De même, la demande croissante en énergie, une autre tendance actuelle, se présente à la fois comme un défi et une opportunité. Défi car elle entraîne logiquement une hausse des prix des produits agricoles, mais aussi opportunité, car la production de biocarburants pourrait redéfinir l’ordre agricole mondial des années à venir. Dans sa présentation, Oliver Combe explique que les biocarburants répondent à la fois à des préoccupations environnementales (réduction des gaz à effet de serre) et économiques (prix de l’énergie), mais contribuent aussi à l’indépendance énergétique des pays producteurs, ayant ainsi une portée politique. « Les biocarburants peuvent profiter tout autant aux pays développés qu’aux pays en voie de développement », rappelle l’expert de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement).

Néanmoins, la déconnexion entre les préoccupations du Nord et du Sud se fait ici également sentir. Alors que les pays développés se soucient d’abord de l’environnement, ce sont essentiellement pour des raisons économiques que les pays en voie de développement développent les biocarburants. Olivier Combe rappelle notamment l’exemple du Brésil dont la production de biocarburants a eu des retombées économiques et sociales réjouissantes. Pour cela, il s’agit néanmoins de s’assurer qu’il n’existe pas de grande compétition avec la production alimentaire, par une bonne utilisation des terres agricoles, pour éviter une hausse des prix. Globalement, mais surtout au Sud, les biocarburants ont donc le potentiel de diversifier l’agriculture et d’augmenter le revenu agricole.

Une perspective du Sud

Une autre perspective du Sud aura d’ailleurs été donnée par l’intervention d’Oumar Niangado, représentant de la Fondation Syngenta pour une Agriculture Durable en Afrique de l’Ouest. Celui-ci a démontré comment les progrès de la recherche, une autre tendance importante de l’agriculture d’aujourd’hui, représentent une énorme opportunité pour les agriculteurs africains. S’attaquant au sujet pour le moins controversé de la biotechnologie, il a expliqué le potentiel inestimable que ces nouvelles technologies peuvent offrir, sans minimiser leurs risques. En plaçant la biotechnologie moderne dans la lignée directe des biotechnologies conventionnelles pratiquées depuis des siècles (brasserie, transformation du lait, etc), Oumar Niangado décomplexe ces nouveaux outils.

« Au Mali, explique-t-il, les producteurs agricoles doivent travailler dans un contexte socio-économique et environnemental difficile». Les sols pauvres et les contraintes biotiques, la pluviométrie aléatoire, mais aussi la volatilité des marchés agricoles et la difficulté d’accès au crédit pour les producteurs, sont autant de défis que les agriculteurs maliens doivent relever. Dans ce contexte, la biotechnologie offre beaucoup de potentialités, comme une meilleure évaluation de la diversité biologique, une lutte facilitée contre certaines maladies et une amélioration de l’efficacité des programmes de création variétale. Le retour sur l’investissement est alors maximisé et l’efficacité des producteurs maliens se voit améliorée.

Toutefois, Oumar Niangado est aussi conscient des risques de la biotechnologie et, en particulier, des organismes génétiquement modifiés (OGM). Risques sanitaires et environnementaux, questions fondamentales sur la propriété intellectuelle et l’appropriation du vivant, problèmes de cohabitation entre la filière OGM et non-OGM, sont autant d’arguments que nous connaissons bien. Néanmoins, la biotechnologie ne se résume pas aux OGM et d’autres outils peuvent améliorer la productivité agricole sans la mettre en péril. « L’opposition aux OGM bloque les opportunités ! », s’exclame le représentant malien. Et de proposer un cadre régulateur qui n’entrave pas la recherche biotechnologique, mais la favorise.

Recherche et Développement – il s’agit d’innover !

Plus de recherche pour l’agriculture – voilà un appel qui ressortira de cette conférence. Mais la recherche ne se rapporte pas seulement aux sciences, ce qu’il faut c’est innover. « Il faut que les petits producteurs trouvent leur valeur ajoutée », explique Anna Crole-Rees. Et cette valeur ajoutée se doit de combler les multiples fractures énoncées plus haut, notamment entre producteurs et consommateurs.

Une des clés réside assurément dans l’amélioration de l’information et la sensibilisation des consommateurs, surtout ceux des pays développés, sur tous les aspects de l’agriculture durable. Il s’agit en effet de trouver l’équilibre entre les facteurs économiques, sociaux et environnementaux, qui ont tous un impact sur l’agriculture d’aujourd’hui, sans en favoriser trop certains aux dépens des autres.

Ainsi, tous les intervenants se sont accordés sur la nécessité de valoriser l’alimentation, et par extension l’agriculture. C’est une responsabilité autant des consommateurs que des producteurs et participe ainsi au « partage du risque » lié à la production agricole. Si les petits producteurs sont parfois découragés par les défis du futur, les intervenants sont optimistes : les tendances sont encourageantes.

Et quoi de mieux pour terminer la conférence que de voir un exemple concret d’une entreprise agricole de Cugy, gérée par Ariane et Christian Vaney, qui ont su se réinventer avec succès par leur marché à la ferme et une agriculture de proximité. Le public et les conférenciers termineront ainsi les débats autour de l’apéro, sous un doux soleil de fin de journée qui augure encore un beau futur pour Crole-Rees Consultants et les petits producteurs agricoles que sa fondatrice continuera d’aider pour de nombreuses années encore.



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© Paul Starkey


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